LE CONCIERGE

ET LE P.-D.G

 

— Buck Jacobs (traduit de l’anglais)

 

Il était une fois un concierge qui avait travaillé quarante ans dans la même société. Il n’avait jamais eu la moindre promotion, ni personne sous ses ordres. Jamais il n’avait été propriétaire, n’avait fait le moindre investissement, ni n’avait pu se permettre d’acheter une voiture neuve…

 

Mais c’était un excellent concierge. Avec un soin méticuleux, il entretenait tous les secteurs dont il était responsable. Les tapis étaient immaculés, et vous auriez dû voir comme les vitres luisaient, comme les cuivres rutilaient… Il arrivait qu’on le surprît à genoux, une brosse à dents à la main, en train de nettoyer dans les coins, à la jonction du plancher et des murs carrelés. Et il ne se départait jamais de son sourire et de ses paroles gentilles à l’égard de ses collègues de travail. Après son départ à la retraite, certains firent remarquer qu’ils ne l’avaient jamais entendu se plaindre.

 

Au cours de ces quarante années, il arrivait qu’on lui demandât :

―  Comment se fait-il que vous travailliez si dur ? Rien ne vous oblige à vous investir autant. 

― Vous ne comprenez pas, répondait-il. Je travaille pour Jésus. Et si c’est pour Lui, y faut que ce soit bien fait. Il est mon meilleur ami. Je L’aime et Il mérite que je fasse de mon mieux, parce qu’Il a donné Sa vie pour moi.

 

Certains ricanaient et passaient leur chemin. D’autres se sentaient interpellés :

― Jésus ? Votre ami ? Je ne comprends pas. Comment Jésus peut-Il être un ami ? Ça me dépasse.

 

Alors notre brave homme souriait, et l’on ne pouvait pas s’empêcher de voir l’amour briller dans ses yeux tandis qu’il poursuivait :

―  Permettez que je vous parle de ce que Jésus a fait pour moi. 

Il n’était jamais trop occupé pour ça.

 

Or, dans la même entreprise, quelqu’un d’autre avait, lui aussi, travaillé quarante ans, ayant débuté sa carrière en même temps que le concierge. Il sortait d’une université prestigieuse où il avait fait de très sérieuses études et décroché de bons diplômes. Il avait été engagé dans l’entreprise comme vendeur dès la fin de ses études et n’avait pas tardé à devenir le meilleur vendeur de son service. Très vite, il était monté en grade, et il était devenu le plus jeune directeur commercial, puis directeur régional, puis vice président, puis président directeur général, dans toute l’histoire de la société.

 

Sous sa houlette, l’entreprise s’était développée, pour devenir le leader mondial dans une certaine branche d’industrie. Elle en vint même à racheter d’autres sociétés, et, grâce à sa direction habile et avisée, ces sociétés connurent à leur tour la prospérité.

 

En raison de ses talents et de ses succès incontestables, il était souvent invité à prendre la parole dans le cadre de réunions et de congrès. D’autres P.-D.G de société lui rendaient visite, curieux de savoir comment il avait si bien réussi. Il tenait toujours le même langage :

― Ce pays est une mine d’opportunités, et je me suis investi au maximum. Ce que j’ai fait, vous pouvez le faire aussi, si seulement vous y croyez et que vous vous donnez à fond.

 

Il militait dans de nombreuses organisations civiques et commissions gouvernementales. Il fut élu au conseil d’administration de son université, et il était un membre respecté d’une « bonne » paroisse. On pouvait le voir à l’église tous les dimanches matin, au service de 11 heures, assis sur le quatrième banc, entouré de sa famille.

 

Toutefois, le dimanche n’avait pas grand-chose à voir avec le lundi. Car, du temps de sa jeunesse, son père lui avait appris :

― Mon fils, il y a deux choses qu’il ne faut pas mélanger avec les affaires, c’est la politique et la religion. On ne peut pas marier l’eau et le feu.

Il ne lui était jamais venu à l’idée de mettre en doute le conseil paternel. Au fond de son cœur, une petite voix lui disait bien que cela n’était pas juste, mais il n’y avait jamais accordé trop d’attention. En fait, il était tellement affairé que Dieu ne tenait qu’une place minime dans sa vie. Il faut dire qu’avec le business, la maison au bord de la mer, le club de golf, et le tennis (pour peu qu’il en eût le loisir), sans parler des sports d’hiver en famille, son temps — donc sa vie — s’envolait. Adulé par les foules, au terme d’une longue carrière réussie, il prit sa retraite.

 

Il advint que les deux hommes moururent le même jour. Ainsi que le promet la Bible dans l’Épître aux Corinthiens, chapitre 3, chacun comparaît devant Jésus pour rendre compte de ce qu’il a fait dans cette vie. Le P.-D.G se présenta le premier, comme il en avait l’habitude.

 

Jésus lui mit la main sur l’épaule :

― Mon fils, tu as bien occupé ta vie. Je t’ai donné intelligence et opportunités. Tu as travaillé d’arrache-pied, et tu as tiré profit de tout ce que J’ai mis devant toi. Tu as beaucoup accompli, mais tu ne peux emmener avec toi tout ce que tu as accumulé. Tes maisons, tes voitures, tes clubs et ton entreprise, tout cela est bel et bon, mais n’a pas de place dans Mon Royaume. Ici, ton argent est inutile. Tu as travaillé dur, Mon fils, mais de façon malavisée. Tu as acquis quelque chose de bon, mais tu as manqué le meilleur.

 

Le concierge se tenait humblement à proximité, paralysé de peur. Si un P.-D.G ne méritait pas les félicitations du Seigneur, à quoi un simple concierge pouvait-il s’attendre ? Il se tenait les yeux baissés, le visage baigné de larmes, quand il sentit Jésus poser la main sur son épaule :

― Lève les yeux, Mon fils.

Le concierge regarda Jésus, qu’il avait tant aimé : Celui-ci arborait un sourire, un sourire qui le fit bondir de joie. Puis, à son grand étonnement, Jésus ajouta :

― Retourne-toi et dis-Moi ce que tu vois.

Le concierge se retourna. Stupéfait, il aperçut une foule de gens en liesse qui se dirigeait vers lui. Ils reflétaient une joie et un amour qu’il n’avait jamais vus. Se tournant vers Jésus, il Lui demanda :

― J’en reconnais certains, mais qui sont les autres ?

― Tu reconnais ceux à qui tu as parlé de Mon amour. Et, à leur tour, ils en ont parlé à d’autres, qui sont aussi venus te remercier. Entre dans la joie qui t’a été réservée depuis la création du monde.

 

Puis, tandis que chantaient les anges, le concierge retrouva ses vieux amis et entra au paradis.

 

Vous voyez, ces deux hommes ont eu leurs chances, tout comme vous et moi. L’un se bâtit une fortune ici-bas, l’autre là-haut. L’une était temporaire, l’autre éternelle. L’une et l’autre résultaient de leurs choix. Quelle fortune vous bâtissez-vous ?